Brest au Final Four : la réaction de Pierre Taillé

Les 29 et 30 mai prochain, le Brest Bretagne Handball disputera le Final Four de la Ligue des Champions. Pour la première fois de leur histoire, les Brestoises ont validé leur ticket pour le dernier carré de la compétition en éliminant Metz. à Budapest fin mai, elles ont rendez-vous avec l’histoire !

” Je suis persuadé qu’elles peuvent le faire ! “

Pierre Taillé, directeur technique de la Ligue de Bretagne de Handball

Pierre, quelles sont tes premières impressions suite à cette qualification ?

C’est exceptionnel ! J’ai un grand sentiment de fierté pour le handball Breton, le handball français, la Région Bretagne, le sport féminin et le sport français.

Que t’inspire cette participation historique d’un club breton à un tel évènement ?

Elle me renvoie un nombre important de souvenirs, tant ce résultat découle d’un parcours qui trouve ses origines il y a quelque temps et qu’il concrétise des étapes gagnées pas à pas.

Je pense en premier lieu à cette unification de 2 clubs pour un projet dynamique (le P.A.B. et Lesneven). Sous l’égide de la LBHB et de son Président Philippe BOUTHEMY, la décision des deux clubs de mettre leurs énergies en commun a été très courageuse.

Ensuite l’action à nouveau de la LBHB avec la mise à disposition de Thierry GUéGAN qui a su, avec un collectif composé à 95% de joueuses issues du Pôle Espoirs de Brest, accéder à la première division féminine ! Une première pour le handball Breton sous l’égide de Philippe Manach, Président du P.A.B. puis d’Arvor29.

La venue ensuite de Laurent BEZEAU a été bien entendu déterminante. Elle a conduit au 1er titre de champion de France. Sans ce titre et sans l’engouement qu’il a généré, rien de la suite n’aurait probablement pu avoir lieu. Rappelons-nous que la Brest Aréna, à cette époque en cours de construction, avait été configurée avec tous les sports sauf le handball. Nous ne représentions alors pas l’intérêt et la notoriété d’aujourd’hui.

La relance après le dépôt de bilan avec une décision extrêmement courageuse de notre ex Président Jean Yves CAER, qui contre l’avis de beaucoup (et c’est bien peu de le dire) a su imposer la reprise sur un niveau de jeu N1F. Cette décision a débuté lors de l’AG de la LBHB, où il venait d’être élu, et va s’avérer majeure pour le handball breton et français. Cela a été une intronisation très particulière et c’est l’occasion d’une pensée affectueuse à sa mémoire.

Je salue aussi les joueuses bretonnes, toutes issues de notre Pôle Espoirs et de tous nos clubs du Finistère, des Côtes d’Armor, d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, qui ont accepté de s’engager dans ce projet alors qu’elles étaient quasiment toutes sollicitées par ailleurs. Elles ont pris un risque important. Cela montre aussi l’attachement à notre handball, à notre territoire, et la richesse de notre formation. Elles sont restées essentiellement grâce à l’action et la présence de Damien NéDELEC. Je voulais à cette occasion le remercier tant sa présence fut majeure et incontournable.

Bien entendu, la passion de Serge BONNAMOUR a permis de mettre en état de marche ce projet qui a pris cette dimension grâce à l’intérêt et l’investissement de Gérard et Denis LE SAINT. Leur présidence a créé les bases d’un club au modèle économique unique et exceptionnel. La dimension organisationnelle et structurelle du club l’ont amené assez logiquement à jouer les premiers rôles et à remplir les objectifs annoncés. La première Coupe de France dans un Bercy aux couleurs du Gwenn ha du en 2016 n’était qu’un début…

Tout ceci jusqu’à cette qualification exceptionnelle. C’est une magnifique histoire. Il y a eu des moments difficiles ; mais aussi et surtout des moments de bonheur et beaucoup d’énergie de la part du handball breton pour permettre ces rebonds et cette rencontre avec les présidents LE SAINT qui l’ont propulsé dans l’univers professionnel du plus haut niveau.

Un mot sur le parcours du BBH sur cette saison 2020/2021, sur la dualité avec Metz et sur Laurent BEZEAU ?

D’abord la saison n’est pas terminée et il reste des rencontres majeures pour accéder aux titres. Mais la qualification au final four est un évènement majeur. Le BBH sur cette saison y a sa place très légitimement tant il a affiché des arguments du plus haut niveau mondial dans beaucoup de secteurs. Il ne peut y avoir de résultats sans l’adéquation d’un projet de jeu partagé et des joueuses de top niveau. Ana GROS, Pauletta FOPPA, Cléopatre DARLEUX sont des tops players qui joueraient dans toutes les équipes de league des champions et toutes les autres joueuses feraient aussi le bonheur de beaucoup de clubs européens. Le sentiment est que l’équipe affiche, au moment où les matchs sont décisifs, une sérénité et une confiance nécessaires pour atteindre ces résultats.

Concernant Metz qui est le meilleur club français de handball féminin depuis près de 20 ans, mon sentiment est que l’organisation structurelle du club de Brest est arrivée à ses objectifs de niveau et que Metz peut difficilement lutter. Le club lorrain a su avoir le nez fin par le passé au-delà de sa qualité structurelle. Aller recruter Ana GROS était une bonne idée, elle n’était pas encore la star d’aujourd’hui. Il leur a manqué peut-être, et c’est évidemment très facile à dire après, cette permanence d’anticipation pour se préparer à l’émergence et la concurrence probable du BBH. Pauletta FOPPA et Aissatou KOUYATE, dont l’émergence était aussi prévisible, n’ont pas été leur priorité. Le handball français génère quelques pépites de temps en temps, il faut les prendre quand c’est possible.

La différence maintenant entre Brest et Metz est essentiellement économique et c’est une des clés majeures du haut niveau professionnel. Visiblement ils ne sont plus dans la même cour, notamment depuis que Brest est devenu un club de premier plan au niveau sportif ce qui était l’argument principal de Metz.

Concernant Laurent, nous nous connaissons depuis très longtemps et j’ai de l’affection pour lui. Il ne peut y avoir de grands résultats sans de grandes joueuses et sans un grand entraineur. Même avec un staff autour, performant et incontournable, l’entraîneur numéro 1 reste le patron du résultat sportif, c’est lui qui est le chef d’orchestre, le responsable. Faire jouer et vivre tout le temps autant de talents et d’égos, nécessite bien entendu de l’excellence dans la compétence sportive et vis-à-vis de Laurent, ça fait quelque temps qu’il l’a démontré. Mais savoir entretenir la dynamique de la performance dans cette bouilloire en permanente ébullition qu’est une équipe du top niveau, c’est extrêmement

difficile. Il y a tellement de paramètres à appréhender et à gérer, beaucoup en parlent (moi) mais peu sont capables de le faire (sur les doigts d’une main), Laurent démontre qu’il en fait partie. Il va prendre un poste stratégique à L’Agence Nationale du Sport sur la très haute performance pour les JO de 2024, c’est légitime et c’est bien que cela soit un handballeur.

Le BBH et la Ligue de Bretagne de handball ?

C’est d’abord la relation des dirigeants des deux entités qui ont en commun le handball, un territoire, une histoire et un avenir ; c’est beaucoup.

Le BBH apporte une notoriété exceptionnelle au handball français et breton en particulier, c’est une fierté pour notre territoire qui a cruellement manqué de haut niveau pendant tant d’années.

En dehors de cette terrible crise sanitaire, comme le club de Cesson notre autre club professionnel masculin, ce sont les équipes qui remplissent les deux plus grands équipements sportifs bretons (ce qu’aucun autre sport de salle ne fait en Bretagne).

Le BBH nous apporte une crédibilité, une communication exceptionnelle. Malgré son top niveau mondial, il reste un club qui a vu passer énormément de jeunes joueuses bretonnes. C’est le club qui compte encore le plus de joueuses professionnelles formées sur son territoire. L’enjeu maintenant est de pérenniser cela sachant que la barre est de plus en plus haute.

La LBHB y travaille au quotidien : action très novatrice dans la détection pilotée par Jean-François CILLARD et Amélie SIGWART, où tous les secteurs participent et agissent ; adaptation de nos structures d’entraînement à ces enjeux. Le Pôle de Brest monte encore en puissance et en compétence avec Amélie Sigwart sous la direction de Mikael DANIGO. Un site d’accession est installé à Rennes sous la responsabilité de Benjamin Guichon. Je suis intimement persuadé que nous sommes sur le bon chemin.

Tant pour la notoriété que pour la construction de son équipe, je suppose que le BBH a aussi ses enjeux. Travailler ensemble dans ce but est déjà mis en place, mais nous devons être ambitieux et novateurs.

Au-delà du plus haut niveau qui nous anime, nous avons la mission de participer activement aux résultats de l’équipe de France A. Les prochains JO, et à fortiori ceux de 2024 sont extrêmement importants pour notre discipline. Les enjeux du BBH et du handball Breton qui peuvent être partagés sont nombreux, pour le rayonnement, pour l’économie de chacun.
Il est évident que cela servira directement ou indirectement tous nos clubs.

Ton avis sur la fin de saison du BBH et sur le final four?

L’équipe joue encore tous les tableaux et c’est très compliqué de rester concentré pour tout préparer au mieux je suppose. Je fais confiance à Laurent pour savoir rester en alerte. Mais par son effectif en nombre et en qualité le BBH semble aujourd’hui armé pour réussir.

Pour le final four c’est une compétition de rêve, très particulière où tout peut se passer notamment sur une rencontre. Bucarest avait créé un peu la surprise en 2016 avec une exceptionnelle GULDEN. Je pense que Brest a de vrais arguments pour être plus qu’un outsider, même si les 3 autres sont des équipes de très grande qualité. Jouer GYOR en demi est, à mon sens, une bonne chose. Comme l’a évoqué un journal, c’est escalader l’Everest par la face nord, mais je suis persuadé qu’elles peuvent le faire.

4 françaises (Nicolas, Cano Tervel, Leynaud) ont déjà soulevé le trophée de la ligue des champions. Si par bonheur le BBH devait remporter l’édition 2021, 4 bretonnes pourraient ajouter leurs noms à ce palmarès. Cela rajouterait à notre fierté.

Un dernier mot sur la sélection en équipe de France d’Alicia TOUBLANC ?

Sept ans à Plouagat, puis direction Plouvorn, Landi-Lampaul, Brest et maintenant France A : c’est un beau parcours ! Elle a su en plus y associer ses études de Kinésithérapeute (comme avaient su le faire aussi les frères Briffe tout en étant professionnels). C’est aussi remarquable et sa capacité dans le jeu intérieur lui offre des atouts. Alicia fait partie des grands espoirs français au poste d’ALD, ses qualités physiques sont exceptionnelles, elle a appris beaucoup ses derniers temps et la League des champions est une expérience irremplaçable. Je ne doute pas qu’elle sera prête à saisir toutes les opportunités.